Guillaume Villeneuve, traducteur
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Sur la lumière de Jean

mardi 25 novembre 2014, par Guillaume Villeneuve


Pour l’office des lectures du mardi 24 novembre 2015

Tu viendras à la source, tu verras la lumière même

Nous-mêmes, Chrétiens, nous sommes en vérité déjà lumière en comparaison des infidèles ; d’où le mot de l’Apôtre : vous étiez en effet ténèbres autrefois, à présent lumière dans le Seigneur ; marchez en enfants de lumière. Et il dit ailleurs : la nuit est passée, le jour est arrivé ; rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière ; marchons dignement comme en plein jour.

Mais, parce que le jour où nous sommes est encore nuit, comparé à cette lumière que nous atteindrons, écoute l’apôtre Pierre. Il dit qu’une voix tomba sur le Christ Seigneur, issue de la puissance magnifique ; Tu es mon fils bien-aimé, en qui je me complais. Cette voix, dit-il, nous, nous l’avons entendue tomber du ciel, alors que nous étions avec lui sur la montagne sainte. Mais, parce que nous autres n’étions pas là et que nous n’avons pas entendu cette voix ce jour-là, Pierre lui-même nous rapporte : Et nous avons une parole prophétique très assurée, à quoi vous faites bien de prêter attention , comme à une lampe dans un lieu obscur jusqu’à ce que le jour pâlisse et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs.

Quand donc notre Seigneur Jésus-Christ sera arrivé et, comme le dit même l’apôtre Paul, qu’il aura illuminé les choses cachées dans les ténèbres et manifesté les pensées du cœur afin que chacun reçoive la louange de Dieu qui lui revient, alors en ce jour-là les lampes ne seront plus nécessaires ; on ne nous lira plus le prophète, on ne nous ouvrira plus le livre de l’Apôtre, nous n’aurons plus besoin du témoignage de Jean, l’Évangile même ne nous manquera pas. Alors toutes les Écritures seront ôtées du milieu de nous, celles qui nous éclairaient comme des lampes dans la nuit de ce siècle afin que nous ne restions pas dans les ténèbres.

Tout cela étant ôté de peur qu’elles ne luisent pour nous comme si nous en avions besoin, et les hommes de Dieu eux-mêmes qui les avaient fournies, dans cette grande lumière vraie et claire, sans plus d’adjuvants, que verrons-nous ? De quoi se repaîtra notre esprit ? de quelle contemplation se réjouira-t-il ? d’où lui viendra cette joie que n’a pas vue l’œil, ni l’oreille entendue et qui n’est pas montée dans le cœur de l’homme ? que verrons-nous ?

Je vous en conjure, aimez avec moi, courez par la foi avec moi ; désirons la patrie céleste, soupirons après la patrie céleste, sentons que nous sommes des étrangers ici-bas. Que verrons-nous donc ? Que nous le dise à présent l’Évangile : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. De la rosée dont tu as été ondoyé, tu gagneras la source ; du rayon qui a été émis de biais sur ton cœur ténébreux par les anfractuosités, tu verras cette lumière originelle et nue pour laquelle tu te purifies. Mes bien-aimés, dit Jean lui-même, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’est pas encore manifesté ; nous savons que lorsqu’il se manifestera, nous lui serons semblables, car nous le verrons tel qu’il est.

Je sens que vos affections sont emportées avec moi vers les choses célestes ; mais le corps soumis à la corruption alourdit l’âme ; et la vie terrestre fait retomber l’intelligence qui réfléchit à tant de choses. Je vais moi aussi déposer ce livre dans un moment, et chacun de vous va retourner à ses affaires. Nous nous sommes épanouis à notre lumière commune, nous sommes bien réjouis, avons exulté ; aussi, en nous séparant, ne nous en séparons pas.

Traduit du latin, Corpus Christianorum Latinorum, 36, 321-323. Liturgia horarum, Vatican, 1977, IV, pp. 451-2.


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