De tristesse paré,Mon sang, Homme,Pour toi a coulé,On ne peut le nier ;Mon corps bleu et blême,De tristesse paré.Contemple-moi, je te prie, avec toute ton entière raison,Et n’aie pas le cœur dur, et pour cette occasion,Fus-je jadis, pour l’amour de ton âme, tué à la bonne saison,Séduit et trahi par Judas, sa félone trahison ;Méchamment livré,À vif sous cordes acérées,Les Juifs m’ont menacé :Ils m’ont moqué, ridiculisé, humilié,Condamné à mort, comme tu sais,De tristesse paré.Ainsi suis-je cloué nu, Homme, pour l’amour de toi !Je t’aime, donc aime-moi ; pourquoi dormir ? réveille-toi !Sache que mon tendre cœur, tout au fond, s’est brisé pour toi,De peines mes veines se tendirent à rompre, de désarroi :Ainsi tiré à dia, à hue,Ainsi tout drapé de maux,Quand jamais homme ne futLivré ainsi de très cruelle façon,Fus-je offert en sacrifice, tel l’agneau,De tristesse paré.D’épines acérées, j’ai coiffé la couronneSi peiné, si froissé, si piteux, si rouge,Ainsi giflé, dépouillé, pour toi je m’abandonne,Sans feindre, j’ai daigné verser mon sang :Mes pieds et mains à vifOnt reçu les clous de CaïpheQuoi plus souffrirais-je encore,Homme, après ce que j’ai souffert pour toi ?Viens quand tu voudras, bienvenu pour moi,De tristesse paré.Par acte authentique, ton bon Maître fus et serai :Je suis tien, tu es mien, je t’appelle mon frère.C’est toi que j’aime totalement - vois ce qui m’échoit !À vif battu, menacé, pour ton entière liberté :Pourquoi tant de méchanceté ?Pourquoi m’écartes-tu ?Viens enfin et tu trouverasMon infinie merci et ma grâce -Vois mon cœur transpercé par la lance,De tristesse paré.Cher frère, de toi je n’attends qu’une chose :Que tu m’offres librement ton cœur, contre ma foi :Je t’ai créé, au feu éternel racheté :Je t’en prie, prépare-toi pour mon empire altierAu-delà de l’orient,Dont je suis régentDieu seigneur omnipotent,Pour régner avec moi en infinie richesse :Rappelle-toi, Homme, la santé de ton âme.De tristesse paré,Mon sang, Homme,Pour toi a coulé,On ne peut le nier ;Mon corps bleu et blême,De tristesse paré.
Traduction inédite (2012) de Woefully arrayed, mis en musique par William Cornysh (1465-1523), motet magnifiquement interprété par l’ensemble Stile Antico, à la Cité de la Musique de Paris, le 5 avril 2012, Jeudi Saint.