Guillaume Villeneuve, traducteur
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La fin des vacances

mercredi 5 octobre 2011, par Guillaume Villeneuve


Bien vite, trop vite, notre séjour touchait à son terme. Un beau jour, on élaborait un emploi du temps compliqué qui permettrait de combiner aisément le rendez-vous de mon grand-père chez son dentiste de Bath et notre correspondance pour l’express de Londres, programme modifié pour que ma tante puisse emmener l’un des sealyhams chez le vétérinaire de Wincanton et pour ménager un pique-nique en route* en lieu et place du lunch initialement prévu à l’hôtel des Thermes, échafaudage finalement démonté au milieu d’un ouragan de raisons et suggestions contradictoires. À l’heure dite, la voiture apparaissait pour nous conduire à la gare de G. comme d’habitude et l’on m’emmenait saluer mon grand-père. Je m’efforçais d’avoir l’air de ne rien attendre, mais j’étais toujours soulagé d’entendre le craquement délicat d’un billet de cinq livres tandis qu’il me serrait chaleureusement la main, que je me répandais en remerciements et que ma mère s’écriait « Vraiment, Père, vous ne devriez pas ! C’est beaucoup trop ! » et que du fond de mon cœur surgissaient, j’ai honte de l’avouer, de méprisantes pensées sur le compte de mon grand-père Lancaster qui dépassait rarement, dans ces circonstances (dont j’oubliais qu’elles étaient beaucoup plus nombreuses de sa part) la somme d’un demi-souverain.

Dans le train du retour, je ne manquais jamais de succomber à la plus lugubre des dépressions dont pas plus le dernier numéro de Rainbow que l’arrivée du panier de pique-nique de la compagnie des chemins de fer, avec son inévitable cuisse de poulet d’un bleu bizarre, ne pouvaient me tirer. Plus de longs après-midis à lire Kenneth Grahame dans un hamac, plus de poneys, plus d’oncles et de tantes indulgents et juvéniles, plus de nausée à force de boire de la limonade à l’office - même la perspective de retrouver Kate ne compensait pas tout ce que j’avais perdu. À la fin, n’y tenant plus, je demandais, irrité, d’une voix chargée de larmes, pourquoi, alors que j’étais si heureux, nous avions dû partir. La réponse, douce mais ferme, était invariable : « Osbert chéri, tu es assez grand, à présent, pour savoir que nous ne sommes pas venus au monde dans le seul but d’être heureux. »

De mémoire, Paris 1996, épuisé. Tous droits réservés.


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