Le prince revint à la cour dans un tout autre esprit qu’auparavant ; et bien qu’il ne parlât guère de la belle Imoïnda, il eut le plaisir d’entendre toute sa suite ne parler que des grâces de cette jeune fille ; au point que, en présence du vieux roi même, ses gens la célébraient en rehaussant s’il se pouvait les beautés qu’ils lui avaient trouvées ; de sorte qu’on ne parlait de rien d’autre, qu’on n’entendait d’autre bruit partout où l’on chuchotait qu’« Imoïnda ! Imoïnda ! »
On l’imagine, Oroonoko ne laissa pas passer longtemps avant de faire sa deuxième visite ; ni, compte tenu de sa qualité, beaucoup plus de temps avant qu’il ne lui dise qu’il l’adorait. Je l’ai souvent entendu dire qu’il s’émerveillait de l’inspiration qui lui dicta des choses aussi douces, aussi passionnées, lui qui n’avait jamais connu l’amour et n’était pas habitué au commerce des femmes ; mais (pour le citer exactement) il déclara que très heureusement une puissance neuve et jusqu’alors inconnue avait instruit son cœur et sa bouche dans la langue de l’amour cependant qu’elle instillait en sa faveur, chez Imoïnda, le sentiment de sa passion. Elle fut touchée de ses propos et lui rendit des réponses qui allèrent jusqu’à son cœur avec un plaisir inouï.
Extrait d’Oroonoko, pp. 86-7, GF, Paris, 2009