samedi 6 janvier 2007, par
Abeilles sauvages
D’abord elles arrivent une par une, éclaireurss’accrochant à une épine, un brin d’herbe de mon chemin,ou faisant du sur place à quelques centimètres de ma joue,puis elles vont plus vite, plus nombreuses,sombre coup de fouet, cylindre mobiled’obscurité ; le ciel entier noircit.Pas moyen de contourner. Je me cache les mains,ajuste mon petit cercle de capuchon,et continue de marcher, les paupières scellées -effigie sculptée de bois vert -raidie contre les piqûres,à l’écoute des corps volantsqui se rueront sur le tissucomme la pluie sur la toile - mais seul vibreun souffle, un bouillonnement d’ailesqui s’écarte pour me laisser passer,sans dommages. Pas une seule abeilleprise dans mes cheveux ou mes vêtements,bien que je me secoue. Se rendaient-elles même compteque j’étais humaine, vulnérable ? J’ouvre la fermeture éclairde ma veste, évalue la route noyéejusqu’au sommet sous la nuée sombre.Je gravis la pente en chantant.
Crapaud nocturne
On le voit à peine -sa silhouette, sa peau froidepresque une feuille morte,un marron marbré, un vert terne,du kaki. Il reste si immobilehaletant si vitetout au bord de l’eauentre les ornières du chemin.Et soudain il est au centred’un cône de lumièrequi tombe du ciel nocturne -les ornières parcourues de feu liquide,les toiles d’araignées imprimées sur du noir,chaque brin d’herbe préciset distinct - jusqu’à ce que le sifflementde la vie humaine s’éloigne,l’air ne grince plus,le tremblement cesseet qu’il puisse ramperlà d’où il vient.Mais qu’était-ce làsinon la mort ?
Traductions recueillies dans les Annales de la Villa Mont-Noir, 1998-1999