Dans les dernières années de la vie de Périclès, Cléon deviendrait son principal critique et adversaire, même s’il n’était pas encore le chef reconnu de la principale faction rivale en 438/7. Dès les premières années de la guerre du Péloponnèse, il versa dans des attaques démagogiques contre le stratège et sa conduite incompétente du conflit. Cléon appartenait à une nouvelle classe de politiciens, non pas des aristocrates mais des hommes enrichis, sortis du commun, dont la fortune leur venait de l’artisanat ou du commerce et non de la terre. Semblables activités, aux yeux du code aristocratique grec, étaient viles et indignes et la licence accordée aux poètes comiques permit à Aristophane de se gausser de Cléon, tanneur et marchand de cuir, de le traiter de voleur et de brailleur dont la voix “rugissait comme un torrent” en évoquant celle d’un porc ébouillanté. On le dépeint toujours irrité, amoureux de la guerre qui suscite constamment la haine. Telles sont les épithètes excessives de la comédie athénienne, mais l’historien mesuré qu’est Thucydide l’appelait lui-même “le plus violent des citoyens,” et qualifiait son expression de dure et fondée sur l’intimidation. Aristote fait un portrait aussi négatif : Cléon, “par ses emportements, semble avoir corrompu le peuple plus que tout autre ; le premier, il cria à la tribune, y employa les injures et parla tout en se débraillant alors que les autres orateurs gardaient une attitude correcte.” (Ath. pol. 28, 3) Le contraste avec Périclès l’Olympien n’eût pu être plus grand.
Extrait de Périclès, Paris, 2008, pp. 237-8.