Guillaume Villeneuve, traducteur
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La baignade du poète Shelley

dimanche 27 avril 2008, par Guillaume Villeneuve


Quand Shelley se noya au large de Viareggio, en serrant un volume de Sophocle dans la main, ce fut l’apogée d’une liaison amoureuse avec l’eau qui l’incita à couler plutôt qu’à nager. [...]

Durant l’été à Bagni di Lucca, Shelley traduisait le Banquet de Platon dans la matinée, puis se baignait au milieu du jour “dans une mare ou une fontaine créée par un torrent au milieu des bois. De toutes parts, elle est entourée par des rochers à pic et la cascade du cours d’eau qui la forme s’y précipite d’un côté avec un élan perpétuel. Tout près, au sommet des rochers, il y a des sureaux, au-dessus encore de grands châtaigniers dont les longues feuilles aiguës percent le bleu profond du ciel avec un vif relief. Les eaux de la mare qui, si l’on ose une description arithmétique, fait ‘seize pieds de long sur dix de large’, sont claires comme l’air si bien que les pierres et le sable du fond paraissent vibrer à la lumière de midi. Elle est en outre extrêmement fraîche. J’ai l’habitude de me déshabiller et de m’asseoir sur les rochers pour lire Hérodote, jusqu’à ce que la transpiration se soit évaporée, puis de bondir du bord du rocher dans cette fontaine - pratique merveilleusement rafraichissante par temps chaud. Ce torrent se compose, en quelque sorte, d’une suite de mares et de cascades, que je m’amuse parfois à escalader durant la baignade pour en recevoir l’écume sur tout le corps tandis que j’agrippe non sans peine les rocs humides.”

Extrait de The Swimmer as Hero, Londres, 1992, p. 76, p. 79. À paraître chez Nevicata, Bruxelles, en juin 2019 sous le titre Héros et nageurs.


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