Guillaume Villeneuve, traducteur
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JOHNNY

vendredi 12 janvier 2007, par Guillaume Villeneuve


Oh cette vallée d’été où mon John et moi
Marchions au long de la profonde rivière
Quand les fleurs à nos pieds, les oiseaux alentour
Chantaient si doucement l’amour payé de retour
Et contre lui je m’appuyai " Oh Johnny, joue avec moi ! "
Mais il prit ce front de tonnerre et il s’en alla.
 
Oh ce vendredi vers Noël, comme je m’en souviens
Où nous partîmes au Bal de Charité :
Le parquet était souple et l’orchestre si bien
Et Johnny si superbe que j’en fus exalté
" Serre-moi plus fort, Johnny cher, jusqu’à l’aube dansons "
Mais il prit ce front de tonnerre et il s’en alla.
 
Oublierai-je jamais ce grand Opéra
Où la musique ruisselait de chaque splendide étoile
Diamants et perles dévalaient tout en bas
Sur les lamés de soie argentés ou dorés
" Oh John je suis au ciel," voulus-je chuchoter ;
Mais il prit ce front de tonnerre et il s’en alla.
 
Oh mais il était blond comme un jardin en fleurs
Aussi mince et haut que la Tour Eiffel
Quand la valse trépidait sur le vaste remblai
Oh ses yeux puis ses lèvres qui m’allaient droit au cœur !
" Oh épouse-moi Johnny, je t’aimerai comme une belle ! "
Mais il prit ce front de tonnerre et il s’en alla.
 
Oh cette nuit, j’ai rêvé de toi, Johnny mon amant !
T’avais le soleil sur un bras et la lune sur l’autre
La mer, elle était bleue et l’herbe, elle était verte
Chaque étoile agitait un petit tambourin ;
Dix mille milles plus bas, dans l’abîme j’avais chu ;
Mais tu pris ce front de tonnerre et tu disparus.

Poème (Johnny) extrait de The English Auden 1927-1939, Londres, 1978.

Traduction inédite 1986. Tous droits réservés.


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