Guillaume Villeneuve, traducteur
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La peur

vendredi 26 février 2016, par Guillaume Villeneuve


On a dit que la peur, qui joue un rôle si dominant dans nos vies, fut jadis une chose vague, sans nom, un écho pourrait-on presque dire, de l’instinct de vie. On a dit qu’avec l’essor de la civilisation, cette peur sans nom s’est peu à peu cristallisée en peur de la mort. Et qu’aux stades les plus développés de la civilisation, cette peur de la mort se mue en peur de la vie, comme l’illustre le comportement du névrosé. Or il n’y a rien d’étrange dans la peur : peu importe l’habit sous lequel elle se présente, c’est une chose dont nous avons tous tellement l’habitude que lorsque se présente une personne qui y échappe nous sommes aussitôt sous le charme. À peine l’histoire a t-elle connu une poignée de tels hommes. Qu’ils aient été des forces du bien ou du mal importe peu : la peur qu’ils éveillent est celle du monstre. En vérité, c’était tous des monstres, qu’ils s’appellent Tamerlan, Bouddha, Christ ou Napoléon. C’était des figures héroïques et le héros, d’après les mythes, est toujours de naissance surnaturelle. En un mot, le héros est celui qui s’est vu épargner le choc de la naissance.

Extrait de « L’énorme matrice », in La Sagesse du cœur Paris, 2016.


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