Guillaume Villeneuve, traducteur
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Les relations humaines et la solitude

vendredi 8 novembre 2013, par Guillaume Villeneuve


Il arrivait à Dodds de déplorer l’importance que notre génération attachait aux relations personnelles. Nous demandions l’impossible, selon lui, et égarions le génie humain. Bien sûr, nous avons besoin de relations personnelles, mais pas d’en faire la fin de l’existence ; et quand je considérais les vies de mes amis, je devais reconnaître que cet égarement était constant, stérile, consternant. Une fois que vous avez décidé qu’X est tout ce qu’il vous faut, vous détruisez X et vous-même. « Quiconque veut sauver sa vie la perdra ». Et les psychanalystes eux-mêmes, dont la tâche consiste à replacer de telles relations dans une bonne perspective, sont à long terme destructeurs parce qu’ils ne se soucient que de sauver votre vie pour vous-même. Il vaut mieux imiter Rilke et capitaliser sur sa propre solitude, ses propres névroses, en tenant la Mort pour l’inspiratrice. Ou il vaut mieux - si on le peut - se faire serviteur d’une idée. Mais qu’on suive l’une ou l’autre de ces voies, on doit s’engager totalement ; si l’on s’abandonne à la Solitude ou à l’Altérité, ce ne doit pas être négatif - une tentative pour échapper à d’autres problèmes, une simple sublimation - ce doit être positif, une Fin. Ainsi les gens se sont-ils faits moines parfois afin d’éviter le problème sexuel, parfois par une perversion de la sexualité, mais ce n’est pas ainsi qu’on atteint à la sainteté. À la vraie sainteté. Quelles que soient les recherches psychanalytiques sur la pathologie de la sainteté, le saint, comme le mathématicien, a trouvé une réalité positive. Et il en va de même du vrai héros et du vrai artiste.

The Strings are false, Londres, 1965, page 171.


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